De Moulis (09) à Razecueillé (31)

De Moulis (09) à Razecueillé (31)


Il y a longtemps que ce parcours me trotte dans la tête, c'est toujours un peu de la même façon que mes aventures pédestres commencent. D'abord la lecture de la carte à la recherche d'un parcours avec des critères personnels tel que la distance, le dénivelé et les paysages que je vais traverser. Puis mon voyage se dessine dans mon imagination jour après jour. Alors j'approfondis les recherches, trace le parcours sur une carte, analyse le profil altimétrique,calcule les éventuels replis en cas de coup du sort (incapacité de terminer, conditions climatiques etc...) et je regarde si j'ai ou pas les capacités physiques pour réussir mon périple, il ne reste plus qu'a trouvé le jour du départ.
Dans le cas de ce parcours les choses ne sont pas trop compliquées le sentier existe. Il s'agit du chemin de Saint Jacques de Compostelle , la voie du piémont, chemin de grande randonnée n°78 donc bien balisé et reconnu, il ne reste que la météo mais la fin de ce mois  est très belle je choisi donc le samedi 29 octobre comme date. Comme la distance est de 40 Km avec 2200m de dénivelé positif je décide de voyager léger et part avec un sac à dos d'un volume de 10 litres et une pochette. Voilà ce que je vais emporter.

Sac à dos type "Trail" avec poches intégrées dans la ceinture contenant :
Une poche à eau avec 1,5 litre d'eau.
Un sandwich au jambon de pays.
Un sandwich à l’Emmental.
350 Gr de pain complet aux céréales avec des morceaux de noix et d'abricot secs fait maison.
Une poignée d'abricots secs et du chocolat noir.
4 barres de céréales au chocolat.
Une paire de chaussettes.
Un tee-shirt.
Un caleçon.
Un couteau (4 lames, couteau, fourchette,cuillère, ouvre-boite).
Une mini lampe de poche à manivelle ( 30 secondes de manivelle = 2mn de lumière)
Un vêtement de pluie (dans le filet à l'extérieur du sac).
Une couverture de survie.
Un petit tube de crème pour les pieds (évite bien des souffrances inutiles)
Une pochette en toile contenant mes papiers et plein de trucs inutiles, cartes de réductions, tickets de caisse , liste de course, carte de visite et 10 Euros.
Un téléphone portable.
Pochette contenant:
L'appareil photo numérique.
2 batterie rechargeable pour l'APN.
Les cartes IGN couvrant le parcours.
Une paire de gants.
Les clé de ma voiture.
2 barres de céréales.
Sur le bonhomme:
Caleçon.
Tee-shirt technique (style rugby avec 3 ballons comme logo pour ne pas citer la marque).
Sweat-shirt.
Collant de «running» hiver.
Une paire de chaussettes sans couture.
Une paire de chaussures de « trail ».
Une paire de bâtons de marche nordique tout terrain.
Un bon mental.
Voilà la partie description du matériel est terminée, passons maintenant au récit du périple.
Vendredi 28 octobre 22h00 je termine de ranger les affaires dans le sac puis consulte la météorologie sur internet. Ce n'est pas terrible, de la pluie pour la nuit et une amélioration pour la journée de samedi. Je me couche, programme mon réveil pour 6h00 du matin, après tout si le temps est pourri au lever je pourrai renoncer. Comme toujours à la veille d'un départ, le mélange d’excitation et de doute donne une nuit un peu agitée avec un réveil en avance de 20 minutes.
Samedi 29 octobre 2011 5h40
Je me lève, prend un petit déjeuner très copieux et risque un œil au dehors, il pleut, le plafond est bas. J'ai trop envie, c'est plus fort que moi je décide de partir. Le trajet entre Foix et Saint-Girons se fait sous une pluie battante, mais celle-ci cesse lorsque j'arrive à Moulis. Il fait encore nuit et cela m'oblige à attendre le lever du jour vers 8h00 pour me mettre en marche. Comme l'indique le topo de la voie du piémont, à la sortie de Moulis je prend le premier chemin sur la droite en direction du hameau de Liqué, ce dernier est indiqué par un panneau tout va pour le mieux.
Le panneau du hameau de Liqué

 La petite route monte mais je m'étonne de ne pas voir de balise rouge et blanche mais l'itinéraire étant évident je ne m'inquiète pas. Je traverse le hameau de Liqué puis de Goué d'en haut et là je réalise que je ne suis pas sur le chemin de grande randonnée, je traverse Goué d'en bas et sur la droite une centaine de mètres avant la route départementale 618 j'aperçois le bon chemin je viens de faire une boucle inutile, je viens de grignoter 40 minutes sur le temps prévu. Le fait de retrouver le chemin me motive et j'augmente le rythme de la foulée dans le but de combler le retard (c'est idiot le temps perdu ne se rattrape jamais), en fait j'ai la trouille de finir le parcours avec la nuit.
Au bord du chemin un magnifique cheval lourd à soigneusement déplacé la clôture qui ne doit plus être électrique pour brouter l'herbe plus verte qui borde le chemin. Il se laisse caresser, écoute mes compliments puis me suit du regard lorsque je me remet en marche. Le Chemin grimpe en contournant le village de Luzenac. Sur ma gauche j'aperçois un groupe de biches dans un grand enclos fortement grillagé, je n'ai pas le temps de faire la moindre photo les cervidés ont pris la fuite , pas de chance . Le large chemin est de nouveau horizontal et il suis la vallée en balcon, le panorama doit être plaisant par beau temps mais aujourd'hui la brume et l'humidité jouent les troubles fête. Le chemin reste sur le même niveau d'altitude jusqu'au village d'Alas, Puis le chemin redevient un sentier qui grimpe subitement dans le sous bois puis rejoint un chemin goudronné dans le village d'Arrout.
Grange foraine jalonnant le parcours

 Après le village le goudron disparaît et c'est une large piste qui le remplace jusqu'au village d'Audressein. Je suis maintenant la rive gauche du Lez dont le bruit m'accompagne depuis mon départ. Le chemin rejoint maintenant la départementale 618 , je n'aime pas trop ce genre de situation ou le randonneur se trouve coincé entre la circulation automobile et une glissière de sécurité au zingage froid et peu accueillant sur une portion de route courbe qui limite la visibilité. Heureusement cette portion ne fait que 500 mètres de long, le chemin repart sur la droite de la départementale. Content de ne plus avoir à partager l'espace avec des véhicules motorisés je reprend la marche un peu plus relax, lorsque un bruit de cavalcade me parviens de la route départementale. Mon regard se porte vers le bruit et là j'aperçois une laie et ses six petits marcassins (petits, petits, environ 30 kg chacun soit 180 Kg de cochon sauvage tout de même). La compagnie me coupe la route , je veux dire le chemin, monte un peu au dessus puis s'immobilise et me regarde. Je profite de cet arrêt pour me saisir de l’appareil photo, je le met en marche ,le porte à mon œil, trop tard la laie pousse un groinkkk pour rameuter sa troupe ou ratrouper sa meute et la compagnie de sanglier repart au galop en direction des bois.
Une autre grange avec son noyer

 Je reprend le cours de mon périple en direction d'Argein ou je perd le balisage du sentier encore un quart d'heure de perdu. Je retrouve le chemin dans le hameau de Viellot de là le chemin pénètre dans un sous bois sombre et humide jusqu'au village d'Aucazein .
Aucazein vue du chemin
Vue d'Argein

 A l'entrée du village je suis accueilli par un vieux chien qui se dirige vers moi en aboyant, je lui parle, il décide de m'accompagner jusqu'au pont sur la Bourgane. Dés que suis engagé sur l'ouvrage l'animal fait demi-tour mission accomplie. Je traverse le village et m'engage dans un chemin encombré de galet et dont la pente me raccourcie le souffle il me conduit à Buzan.
Arrivée à Buzan

 Je jette un œil dans une cours de ferme boueuse, sur le seuil de la porte un veille femme en haillons scrute le ciel, derrière elle par la porte ouverte je vois des poules sur le plancher. Vision d'un autre siècle ? Ou le progrès ne serait-il pas encore arrivé ici ? Pourtant en regardant de plus prés les immatriculations des voitures dans les cours, je comprend bien que les maisons qui ont l'air habitées sont des résidences secondaires. Drôle (si je puis dire) de contraste des 4X4 onéreux au coté du dénuement. Je traverse le village et je commence à avoir faim. Je ferai ma pose restauration à la chapelle Saint-Jean Batiste qui je trouve au-dessus du village à ¼ d'heure de marche environ.

La chapelle Saint Jean Batiste

Le mont Valier Vue de la chapelle

Le lustre de la chapelle "plutôt déco"

 La pause est de courte durée le temps d'avaler mes deux sandwichs un bout de pain spécial et de me mettre de la crème « anti-ampoule » sur les pieds, prend quelques photos car la chapelle est originale et je repars tout en mangeant 2 carrés de chocolat noir. Je suis un peu inquiet car je n'ai parcouru que 16 kilomètres sur les 40 de prévus, la luminosité n'est pas haut top et la nuit vient de bonne heure en cette saison. Le sentier descend vers très belles granges foraines au lieu dit Layer puis remonte en direction d'une intersection, là une balise fléchée rouge et blanche indique de prendre le chemin de droite, trop confiant je m'y engage, l'horizon s’éclaircit me voici arrivé au « plan ». l'image de la balise revient sans cesse à mon esprit il y a un truc qui cloche mais quoi ? Cela fait un bon moment que je n'ai pas vue de balise, il y a de nombreux chemins de part et d'autre mais il y a une chose qui est sure je suis perdu !
 
Une Grange aprés la chapelle

Les granges de Layer

 Un très mauvais point pour moi j'ai oublié quelque chose de très important dans mon sac : mes lunettes de vue car si de loin ça va ,de prés je ne peux pas lire la carte ni le topo guide même en tendant les bras et en reculant la tête ( j'ai peut être un peu de mal à l'accepter). Avant de rebrousser chemin je fait le tour de tous les sentiers qui s'offre à moi à la recherche d'un signe. Un bruit de moteur se fait entendre vers l'autre bout de la combe , je me dirige vers lui. Un véhicule 4X4 est à l'approche ,il s’arrête, le chauffeur en descend équipé d'une casquette orange. Je me fait remarquer en sifflant pour deux raisons, premièrement je ne souhaite pas prendre part à la battue en tant que gibier. Deuxièmement les chasseurs connaissent très bien les sentiers et les chemins et contribuent souvent à leur entretien. Je suis remarqué par le chasseur qui se dirige vers moi . Je lui soumet mon souci, d’après lui faire demi-tour pour rejoindre le chemin de grande randonnée vas me faire perdre énormément de temps. Il m'indique à la limite des nuages soit à 150 mètres d'altitude au-dessus de nous une piste forestière qui rejoint le col de Portet d'Aspet. Il s'offre à moi deux façons de rejoindre la piste salvatrice. Soit de monter tout droit dans la pente au travers d'une lisse (zone dont les arbres sont coupés pour permettre le tir du gros gibier), soit de suivre un chemin qui conduit au Pla de Gers et de couper tout droit au niveau ou la forêt a été nettoyée. C'est cette option que je retiens car en terme de sûreté elle offre plus de garantie et même si la distance est plus longue elle semble moins éprouvante pour l'organisme, (je ne souhaite pas me cramer). Je repars le chemin grimpe bien mais régulièrement, je n'ai pas de surprise je coupe à travers bois la pente est très rude mais après 300 mètres d'effort la piste est bien là ,cap à l'ouest. La piste est très roulante j'augmente donc ma vitesse de croisière.
La Piste tant espérée

Le Valier vu de la piste

 Je vais suivre cette piste durant 10 km de la monotonie durant 1h45. Puis tout un coup j'ai un flash je sais se qui me tracasse depuis l'intersection sur la balise : c'est l'ordre des 2 couleurs le trait rouge était au-dessus du trait blanc un petit malin (non pas un petit malin plutôt un imbécile pour rester poli) a fait pivoter la flèche .La météorologie se joue de moi ,je suis une fois au-dessus des nuages et je bénéficie d'une vue sur les Pyrénées parfois dans les nuages et j'aie une vue sur rien, parfois sous les nuages et se n'est pas top. Dans tous les cas de figure la forêt est omniprésente elle étouffe tout, le moindre souffle d'air, les bruits, elle vous pénètre , elle vous angoisse. Il me tarde de rejoindre le col car la monotonie de la piste commence à me peser .Soudain le claquement de deux coups de feu rompent le silence, puis plus rien. Un panneau de l'ONF indique que je viens de changer de département, peu après je croise un groupe de chasseurs équipés comme le « GIGN » veste de treillis, oreillettes reliée à la radio et tous le toutim, de vrais guerriers!
La forêt omniprésente

Le panneau Ariegeois

Le panneau haut-garonnais

Je les intrique un peu, nous bavardons 5 minutes puis je repars. Cela fait du bien parfois de croiser nos semblables, d’après eux le col est à environ 3 Km. Peu avant le col je croise un randonneur qui me dit que je ne suis pas encore arrivé et que le balisage n'est pas terrible dans la forêt , la nouvelle ne m'enchante guère. Me voilà enfin au col j'en profite pour manger une tranche de pain maison magique pour faire le plein d'énergie et de rajouter une couche de vêtement car la température à drôlement baissé.
Le village de Portet d'Aspet

Le col dans la brume

Je m'engage de nouveau sur le chemin je sais que la dernière portion ne me laisse aucun replis, quelle est en forêt tout le temps et que le mental vas être important. Contrairement au dire du randonneur le balisage est nickel et très récent, le contraste entre les deux départements est malheureusement flagrant. Par contre le moral en prend un petit coup car un panneau indique : Razecueillé 2H45 . Le chemin et maintenant un sentier monotrace glissant qui impose la prudence, mes bâtons me sont très utiles en ce moment. La forêt est une magnifique hêtraie  omniprésente qui étouffe un peu .
Hêtre au bord du sentier

Le sentier monotrace

Sensiblement le sentier à pris de l'altitude et il ne tarde pas à rejoindre une ancienne piste forestière quelque peu envahie par la végétation mais toujours fort bien balisée. Le chemin est couvert par les feuille de hêtres ce qui donne un bon confort et me permet de tenir un bon rythme , je suis maintenant sur d'arriver avant la nuit me voilà rassuré. Voici une croisée de chemin avec panneau indicateur, je prend la direction Razecueillé sur un plat envahi par les fougères, de nombreux tas de crottin atteste une présence équine mais je ne vois rien. Le sentier descend maintenant très vivement il faut contrôler et les muscles des cuisses se rebellent un petit peu. J'ai rejoint maintenant une belle piste quasiment horizontale, le bruit d'une tronçonneuse et les jappements d'un chien annonce mon retour prochain à la civilisation. Me voilà aux premières maisons je traverse le village et me rends jusqu'à la mairie ou je termine mon périple.
Face Nord du pic de Cagire

Le panneau "FIN"

 Le retour à la « non marche » est toujours un peu difficile car se qui me motive ce n'est pas de rallier à pied deux points géographiques mais c'est ce laps de temps ou tous mes sens vont être en éveil, voir décuplés, ou le temps va subir une distorsion, ou mon esprit sera détaché de tout surplus matériel, ou chaque instant sera vécu intensément en bref: une parenthèse de liberté absolue.
 
Pour visualiser la carte et le profil altimétrique du parcours se rendre sur le lien "openrunner" dans la marge de navigation en haut à gauche  du blog et dans le menu "rechercher un parcours" saisir le code suivant: 1347363

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